Sécheresses à répétition, événements pluvieux extrêmes… la crise climatique ne ménage plus notre agriculture. Régénération des sols, pratiques culturales sans labour, nouvelles variétés… Le sillon de nouvelles pratiques est tracé par des agriculteurs qui placent l’adaptation au coeur de leur modèle
En ce début d’automne 2019, les premières pluies sont enfin tombées après deux mois de sécheresse ininterrompue. Gestionnaire de la ferme expérimentale de l’UCLouvain, à Corroy-le-Grand, en Brabant wallon, Hugues Falys arpente une prairie où l’herbe peine à reverdir.
« Ce type de sols limoneux devient pratiquement incultivable avec l’évolution des conditions météo en été, note-t-il.
Nous allons devoir envisager d’autres affectations et pourquoi pas un vignoble ? La vigne n’a pas besoin d’un terrain très fertile… »
Un peu plus loin, l’ingénieur agronome allie le geste à la parole : il tente d’enfoncer sa bêche pour démontrer l’intérêt de cultiver la luzerne, dont le système racinaire est plus adapté à la sécheresse et aux nouvelles conditions climatiques.
« C’est du béton ! Malgré les premières pluies, le sol est resté très sec, constate-t-il. Vous voyez que cette luzerne est productive. On en a déjà récolté trois fois cette année. Elle revient au goût du jour.
Avant, on en plantait des centaines de milliers d’hectares en Europe. Au-delà de sa meilleure résistance, elle constitue une remarquable alternative aux protéines importées qui dérèglent notre système agricole et le climat. »
Surplombant Corroy-le-Grand, deux autres champs expérimentaux font office de démonstration grandeur nature : à gauche, une culture de trèfles d’Alexandrie peine à se déployer, faute de pluie, depuis plusieurs semaines.
A droite, un couvert de Sorgho, une graminée tropicale très agressive, se porte comme un charme.
« Nos expérimentations démontrent que certains mélanges fourragers sont non seulement plus résistants à la sécheresse, mais qu’ils sont aussi sont susceptibles de renforcer l’autonomie et la résilience des exploitations agricoles. »
Hugues Fallys sait de quoi il parle.
A Bois-de-Lessines, il a progressivement transformé son exploitation familiale conventionnelle, reprise en 1992, pour la convertir à l’agro-biologie et à une agriculture de conservation qui pratique les circuits courts, l’autonomie fourragère et des techniques culturales sans labour.
« Un peu partout, on constate une diminution des cheptels d’animaux pour résister à ces épisodes climatiques et au manque de fourrage qui devient structurel, explique-t-il.
Sur une saison, d’avril à octobre, on a désormais trois mois improductifs. »